A propos de la « confusion »
Elle n’est pas un retour au sentiment douloureux de sa misère, c’est bien au contraire une sorte d’éblouissement devant l’abîme d’amour de Dieu et l’incongruité de ma réponse. Durant une retraite que le prédicateur m’avait proposé de méditer sur la passion du Seigneur et de pleurer, ressentir la « honte » de ma condition devant l’amour incompréhensible de Dieu pour moi. Ce que je me suis appliqué à faire, pour essayer de « pleurer mon péché » et voici qu’à un moment alors que je fais le colloque devant Jésus crucifié une voix intérieure, comme une sorte d’intuition auditive me dit « mon Alexis » C’était le mot le plus doux que disait ma mère lorsqu’elle voulait me consoler. Le sentiment que j’ai senti alors était une sorte de « stupéfaction ». Je ne m’attendais pas à cela… Cette « confusion » vient de la perception intérieure (pas cérébrale) de l’immensité de l’amour divin et de l’inadaptation de ma réponse et de mon ouverture.
Accompagner Jésus dans sa passion
Cela peut paraître étonnant, comment pouvons-nous accompagner le seigneur durant sa passion ? C’est que sa passion dure toujours. Non pas le moment historique ou Jésus de Nazareth était mis en croix, mais dans le fait que son corps n’est pas seulement le corps d’un homme du premier siècle. Son corps c’est tout humain, homme et femme, enfant de toute race. Par l’incarnation Dieu vit toute l’amplitude de ce que vivent les hommes de la naissance à la mort. Il est donc là en toi, en moi, parce que c’est son désir le plus cher. Ce qui fait que nos souffrances sont les siennes, par cette fraternité cette « consubstantialité » qu’il a voulu vivre avec chacun de nous. Chaque fois que mon être ne peut pas se développer, qu’il est prisonnier par la violence ou empêché par mon péché ou encore par des mauvaises paroles des mauvais esprits, Jésus vit sa passion en moi. Ce désir de vie de croissance que je peux sentir en moi c’est la pression de son amour créateur et aussi de cette révolution copernicienne qu’est la décision divine de vivre comme un homme. IL m’appelle à la vie, va , vis, deviens et choisis de connaître ce chemin sur lequel il m’invite.
L’eucharistie pain de la route
Une image préparatoire de l’eucharistie c’est le don de la manne dans le désert. Notre expérience humaine ressemble beaucoup au désert, il y a bien des points d’eau … mais aussi beaucoup de sécheresse. Or le Père nous donne « le pain de la route ». Comme aussi pour Élie il nous dit « prend et mange si non le chemin serait trop long pour toi ». Le pain eucharistique avec la parole de Dieu constitue notre façon très concrète de communion a cette présence qui nous veut vivant, vainqueur du mal… L’expérience de la célébration eucharistique nous met en contact avec le mystère même du christ. Passant du face-à-face, au cœur à cœur, et au corps à corps. Alors que nous méditons sur la passion du christ il est bon pour nous de nous souvenir que notre « contact » avec cette passion n’est pas « mental » mais qu’il engage tout notre être.
La fraternité du pain partagé
L’église est présente dans cette aventure d’accompagner Jésus dans sa passion. Chaque apôtre fait ce qu’il peut pour « rester » avec Jésus. Pierre, Jean, et bien sur Marie. C’est à toi de trouver ta propre façon. De rester avec lui en méditant, en adorant le corps eucharistique, mais aussi en prenant conscience de ton lien à l’église. Ce peuple de Dieu, ce peuple eucharistique dont l’identité est de louer Dieu à partir de la partie la plus pauvre de son être, c’est-à-dire cette partie qui témoigne que sans l’abaissement du Fils elle ne peut être elle-même. Marthe Robin disait à juste titre « toute âme est une hostie et toute vie est une messe ». Quelle que soit notre vocation elle est vocation à entrer dans le corps du christ qui est l’église. Comme Jésus s’offre, nous sommes appelés nous offrir en intégrant l’église corps du christ. Chacun de nous recevant une identité nouvelle à travers les sacrements à travers aussi les choix particuliers que nous avons fait en réponse à l’amour de Dieu. En définitive, dans l’église la passion du christ et ta passion ainsi que la passion de tous les fils de l’église se rejoignent.
la nuptialité au cœur de l’alliance
Une des images de l’alliance (voir le début de la retraite) est l’union de l’homme et de la femme. Ils sont appelés à devenir un. Ils sont par leur union appelés à manifester l’amour qui se donne et qui donne la vie. Leur vocation est de faire de leur famille une fontaine de la vie et de l’amour et ainsi une incarnation de l’amour trinitaire. C’est justement ce qui se passe dans la croix, l’union de don mutuel en Jésus de Dieu et de l’homme. Des épousailles, une élucidation du mystère de l’amour. Un Amour qui est éros, filia et agape. Jésus dans sa passion est à la fois l’homme qui cherche la lumière dans une vie souvent pleine de ténèbre et Dieu qui cherche cet homme. Il vit une tension extraordinaire entre la divinité et l’humanité restant totalement fidèle aux deux. Il vit en quelque sorte une identité plurielle, un distorsion de son être, Dieu qui s’anéantit volontairement dans sa « kénose » et l’homme qui est élevé jusqu’a Dieu. Cette tension est visible sur la croix, dans le don gratuit et l’acceptation amoureuse qui sont présents dans le cœur de Jésus tout au long de la passion. Contempler la croix, c’est contempler la transformation de l’eau en vin à Cana et du vin en sang de l’alliance dans la nouvelle cana qu’est la semaine sainte. Dieu enfin unit à l’homme de façon irrévocable, totalement gratuite, sans retour possible. Voilà le mystère à contempler cette semaine.